Un écosystème de la recherche en pleine mutation
Pendant des années, le SEO s’est construit autour d’un modèle relativement stable : optimiser des pages web pour apparaître dans les résultats de recherche Google. Le moteur occupait une position dominante, captant plus de 90 % des recherches en ligne. Le référencement naturel reposait alors sur des leviers bien connus : choix des bons mots-clés, netlinking, qualité technique et contenu optimisé.
Mais ce paysage s’effrite. L’essor de l’intelligence artificielle générative et la montée en puissance des recherches alternatives — via TikTok, Instagram, Reddit ou les assistants IA — ont fragmenté les usages. Aujourd’hui, on ne cherche plus uniquement sur Google. On demande à ChatGPT quel aspirateur robot acheter. On consulte les stories d’un influenceur sur Instagram pour trouver un hôtel à Rome. On s’appuie sur les forums pour comparer deux logiciels.
D’ici 2026, selon Gartner, Google pourrait perdre un quart de ses parts de marché dans la recherche, remplacé en partie par des outils qui fournissent des réponses directes, argumentées, synthétiques, sans rediriger l’utilisateur vers un site web. C’est le triomphe du « zéro clic » : la réponse est dans la boîte, pas sur la page.
Les moteurs génératifs changent les règles du jeu
Ces nouveaux moteurs d’un genre particulier — qu’il s’agisse de ChatGPT, Claude, Perplexity ou même du SGE (Search Generative Experience) de Google — ne fonctionnent pas comme un moteur classique. Ils ne se contentent pas d’indexer des pages. Ils « comprennent » des requêtes complexes et vont puiser leurs réponses dans une multitude de sources : documents web, bases de données structurées, réseaux sociaux, documents PDF, vidéos, avis clients…
Par exemple, si vous interrogez un moteur IA sur « les meilleurs produits de soin pour peau sensible en hiver », il peut synthétiser un comparatif entre plusieurs marques, intégrer des conseils dermatologiques issus de blogs spécialisés, ajouter des retours utilisateurs issus de forums, et formuler une recommandation adaptée à votre profil, sans vous proposer une liste de liens.
Trois défis majeurs pour les marques et le SEO
Ce changement radical pose plusieurs défis aux entreprises qui souhaitent rester visibles dans ce nouvel environnement.
1. Passer de la logique de mot-clé à celle d’intention
Jusqu’ici, une page bien positionnée sur “raquettes de tennis” pouvait suffire à capter un trafic qualifié. Ce n’est plus suffisant. Les moteurs génératifs cherchent à comprendre le besoin profond de l’utilisateur. Pourquoi cherche-t-il une raquette ? Est-ce pour débuter ? Pour un adolescent ? Pour jouer sur terre battue ? La page doit désormais répondre de manière holistique, en contextualisant.
Un site de sport, par exemple, a tout intérêt à produire un guide complet « Quelle raquette choisir selon votre niveau, âge et type de surface », plutôt qu’une simple fiche produit.
2. Structurer ses données pour les rendre lisibles par les IA
Les contenus non structurés ou pauvres en informations explicites risquent d’être ignorés. Les modèles d’IA ont besoin de données fiables, organisées, à jour. Il faut leur faciliter l’accès à l’information, comme on le ferait pour un humain dans une encyclopédie bien rangée.
Par exemple, un site de location de voitures doit préciser clairement, dans ses métadonnées et balises : les types de véhicules disponibles, les prix, les conditions, les villes couvertes, les horaires, les assurances, etc. Toutes ces informations peuvent alors être utilisées par un moteur IA pour formuler une réponse précise à un utilisateur.
3. Accepter une perte de contrôle sur les sources
L’IA va chercher les données où elle les trouve. Si votre marque n’est pas présente ou mal représentée sur certaines plateformes (forums, annuaires, sites d’avis, réseaux sociaux), vous pouvez disparaître des radars ou être mal cité.
Prenons l’exemple d’un fabricant d’alimentation pour animaux. Si les seuls contenus qui parlent de ses croquettes sont des avis mitigés sur un forum ou une vidéo YouTube d’un concurrent, l’IA s’en servira, et la marque n’aura pas voix au chapitre. Il est donc crucial de maîtriser son écosystème informationnel, au-delà de son propre site.
La Generative Engine Optimization (GEO) : une réponse adaptée
Face à cette révolution, une nouvelle discipline émerge : la Generative Engine Optimization (GEO). Son objectif ? S’adresser non plus uniquement aux moteurs de recherche classiques, mais aux moteurs génératifs, en anticipant leurs logiques et besoins.
GEO repose sur plusieurs piliers :
- Structuration sémantique : intégrer des balises Schema.org, créer des graphes de connaissance, documenter chaque entité (produits, services, personnes) de manière exhaustive.
- Contenu expert, sourcé et approfondi : plus qu’un texte bien écrit, il faut démontrer son autorité. Citer des études, faire intervenir des experts, comparer des sources fiables.
- Multimodalité : fournir des formats variés. Un article texte seul ne suffit plus. Une vidéo explicative, un tutoriel audio ou un carrousel Instagram peuvent devenir la source préférée d’un moteur IA.
- Réponses orientées utilisateur : créer des contenus qui répondent à de vrais problèmes, dans un langage naturel. Un article qui explique « comment réagir quand son lave-vaisselle affiche une erreur E24 » est bien plus utile qu’un simple descriptif produit.
Comment s’adapter concrètement ?
Il devient urgent d’élargir son approche SEO pour s’adresser non seulement à Google, mais aussi à l’ensemble des interfaces d’accès à l’information. Voici quelques pistes :
- Faire un audit de sa présence informationnelle globale : êtes-vous bien référencé sur les plateformes tierces ? Vos produits sont-ils décrits dans les bons formats ? Vos avis sont-ils positifs et récents ?
- Repenser votre stratégie de contenu : produire moins mais mieux. Prioriser des contenus guides, comparatifs, explicatifs, qui ont une réelle valeur ajoutée.
- Être présent là où les moteurs vont chercher : réseaux sociaux, forums, YouTube, marketplaces… une stratégie « search everywhere » devient incontournable.
- Collaborer avec des experts de la donnée : pour construire des bases d’information solides, qui puissent être comprises et réutilisées par les IA.
En conclusion
L’intelligence artificielle générative ne remplace pas le SEO : elle le redéfinit. Elle oblige les marques à penser au-delà des moteurs classiques, à concevoir une visibilité construite sur l’utilité, la clarté, la preuve et la structuration. Les contenus deviennent des briques d’un grand puzzle informationnel, interprété par des machines. C’est un changement profond, mais aussi une formidable opportunité pour ceux qui sauront l’embrasser avec méthode et vision.